La reprise progressive en escalier ou par palier à mesure de la situation me parait juste, sans l’ombre d’un doute.
J’avoue, cependant, que quelque chose en moi a été touché, l’espoir ou l’illusion que tout pouvait être replanifié simplement, comme si de rien n’était.
Atelier du 18 avril annulé et conférences de 8 et 15 avril reportées en mai ? OK je gère.
Mais là en mai : plus d’atelier 1-3 mai, ni du 23-24 mai, et plus de conférences, celles déjà reportées au 20 et 27 mai ? Et comme rien ne sera précisé avant le 2 juin : plus d’atelier du 6-7 juin de toute façon, quid des conférences rereportées les 15 et 24 juin et quid pour les ateliers Grandir repoussés en juin, si la taille des groupes est limitée et les déplacements encore restreints. Petit vélo intérieur.
Et sorte de petite fatigue pour tous ces efforts pour contrôler la situation et faire advenir ce qui était prévu et pensé dans ma tête comme ne pouvant pas ne pas avoir lieu : Faire connaitre la vision énergétique Brennan et la pratique du Process,clore le cycle Grandir et son cercle, Ouvrir la diffusion et le recrutement pour Grandir de l’année prochaine et…. Emoticones à volonté.
Petite fatigue donc et en même temps la prise de conscience qu’il faut savoir lâcher : 1° Ne pas se battre pour maintenir de plans bien arrêtés dans la tête, comme s’il fallait arrêter le temps et ses aléas. 2° Aller avec le flux, pas à pas, et accepter ce qui advient, peut se réaliser ou ne pas se réalise, avec l’incertitude et l’inconfort qui vont avec, mais aussi le relâchement et le soulagement
Me voilà, invitée au Lâcher prise. Et ma curiosité se met en route. Une drôle d’expression ce lâcher prise ? C’est quoi, qu’en dit on ?
Que me donne Google : rien, juste des trucs pratiques pour lâcher prise
Que me dit Wikipedia : rien, juste une série québécoise du même nom.
Ma cousine de Bretagne vient à ma rescousse avec son histoire de l’alpiniste :
Un grimpeur à mains nues progresse dans son escalade, quand soudain la roche s’effondre sous ses pieds. Il ne lui reste plus que quelques doigts accrochés à la paroi. Il se retrouve suspendu au dessus du précipice et peu d’espoir de durer longtemps comme ça. Il appelle de l’aide : « au secours, quelqu’un peut m’aider ? ». Surgit alors une formidable voix, venue des profondeurs et occupant tout l’espace. « Je suis là ; tu peux me faire confiance ; lâche prise et j’enverrai au dessous de toi deux anges qui te recevront ». Petit silence et l’alpiniste répond : « euh il y a quelqu’un d’autre » ?
Bon c’est un peu abrupt mais c’est bien imagé, quelque chose du genre, il faut arrêter de s’accrocher, se détendre, faire confiance, mais là vraiment une confiance absolue.
Puis je me tourne vers mes amis anglophones parce qu’il y a souvent plus de souplesse dans la langue anglaise. Et je trouve :
Let go : laisser aller
Give in : genre laisser faire
Give up : renoncer, abandonner
Et Surrender :
Surrender, c’est rendre les armes, arrêter de se battre s’avouer vaincu et faire reddition.
Heureusement il y a un autre usage dans la mouvance du développement personnel et spirituel, qui ajoute l’idée qu’on se rend à plus grand que soi, que l’on cesse de se battre certes, mais dans l’ouverture, avec la confiance que cela peut-être pour le meilleur, même si la définition du meilleur nous échappe : « que ta volonté soit faite » dit le Notre Père , « qu’il en soit fait selon ta volonté et non la mienne » dit Jésus lors de sa dernière nuit.
Et cette acception me rappelle alors une analogie bouddhiste, qui dit qu’il y a plusieurs façons d’aborder les choses et les compare à deux manières de retenir, par exemple, une poignée de sable dans notre main fermée.
Nous pouvons tenir notre poing fermé, tourné vers le bas, le nez sur le guidon, focalisé sur la terre. Mais quand nous ouvrons le poing, nous ne gardons rien du tout, le sable s’écoule, tout s’en va.
Nous pouvons tenir notre main vers le haut, le ciel, et quand notre poing fermé s’ouvre, le sable reste. Ce lâcher prise inclut le plus grand que nous et suppose une vision plus grande de ce qui est.
Cette histoire me renvoie alors une formulation bouddhiste, qui m’avait toujours parue bizarre, comme une curiosité de traduction : le mot de « saisie », qu’il faut se « dessaisir », se libérer de la « saisie dualiste », de la « saisie égocentrique ». Et là tout s’éclaire. Il s’agit bien de la même idée de « prise », d’agrippement, d’accrochage, de crispation, de fixation, d’attachement, de réification et finalement d’identification à toute forme limitée, alors que tout est flux, vibration et changement. Cet accrochage concerne, en fait, tout ce à quoi nous tenons, prenons pour acquis, pour importantissime, pour la vérité et filtre notre perception des choses : notre vision du monde, de nous mêmes , de notre histoire, de nos valeurs et convictions, de comment sont les autres, de nos projets, etc…. Et si ce qui se présente n’est pas conforme à ce filtre, alors il y a réaction, avec tension physique, charge émotionnelle, cinéma mental, contentieux spirituel éventuellement.
Ce qui nous amène très loin, à la fameuse illusion de la samsara, de la comédie humaine ou lila, qui tient à l’attachement que chacun a pour sa forme incarnée, sa vie, son petit moi, son histoire, son identité, son corps, qui sont pourtant si relatifs et éphémères, et qui nous entraine sans fin dans le cercle vicieux de l’action-réaction.
Sous sa forme ultime le Lâcher prise, est donc cela : se libérer de la « saisie » dualiste. Arrêter de saisir et de vouloir maintenir, comme si rien ne changeait, alors que tout change, sauf le changement. Se désidentifier, lâcher et laisser fondre ce qui n’est pas l’être profond, mais seulement de l’expérience fabriquée, limitée, que l’on appelle ego, personnage ou karma, et à qui nous consacrons tous nos efforts.
Je pense à cette très jolie question de Christiane Singer : « Ou cours tu, ne sais tu pas que le ciel est en toi » ? Et si le Lâcher prise c’était cela ? Se poser dans le ciel et courir un peu moins. Et qu’alors, dans cet espace ouvert, puisse s’élever l’inattendu.